Après deux collections parfumées autour des muscs et de la vanille, Sylvaine Delacourte explore la fleur d’oranger. Zoom sur Ozkan et Oscarine, deux parfums enchanteurs de cette nouvelle série.

ozkan sylvaine delacourte

En 2016, l’ex-directrice du développement des parfums Guerlain décide de créer sa propre marque, en explorant des matières premières qui lui sont chères. Ainsi naît une première collection centrée sur les muscs puis une deuxième, consacrée à la vanille, non sucrée, qu’elle transcende également. Cette année, c’est au tour de la fleur d’oranger de s’émanciper des accords consensuels où elle est habituellement tenue.

Chaque fragrance a sa personnalité unique mais j’ai choisi de vous de vous parler de ma préférée, Ozkan, une fleur d’oranger cuirée et Oscarine, plus fruitée et aromatique.

Ozkan (prononcez Oz-quand) c’est une fleur d’oranger ottomane, dont elle tire son nom. C’est l’histoire d’un prince qui part à la recherche d’une jeune femme dont il n’a comme souvenir que celui du parfum enivrant de la fleur d’oranger qu’elle portait, et qui amène avec lui quelques pétales de fleurs d’oranger, dans une sacoche en cuir, pour ne pas oublier leur rencontre.

Et là, la magie opère : une bouffée fraîche verte et aldéhydée de mandarine fuse, radieuse, soutenue par un cœur floral oranger, jasminé qui se fait rond. La fleur d’oranger se veut solaire mais semble s’entourer de la douceur caressante et veloutée de la fève tonka qui en estompe les contours.

J’ai la sensation d’une seconde peau qui me rappelle une huile pour le corps portée autrefois, Calèche d’Hermès, créé en 1961, où les aldéhydes, la fleur d’oranger et la fève tonka m’enchantaient.

C’est très doux, quasi addictif un peu comme Dragée de Reminiscence, avec un côté poudré, guimauve, corbeille de mariée mais en moins bonbon évidemment.

Là, on est à mi-chemin entre L’Heure Bleue et Shalimar vintage de Guerlain. On a une sensation vanillée / santal accentuée par le bois de gaïac qui rappelle la guerlinade de Guerlain avec un sillage plus oriental, charnel, puissant et animal de cuir et de patchouli. L’immortelle présente dès le cœur apporte des notes cuirées qui font écho au fond et sa douceur sombre, mystérieuse.

Cette sensation fleur de peau s’intensifie au cours des heures par ces notes qui se font davantage daim que bouleau fumé comme dans Cuir de Russie de Chanel par exemple. On n’a pas pour autant la sensation d’un canapé en cuir de fleurs comme dans Memory Hôtel d’une Nuit Nomade ou d’un cuir duveteux évoquant le velouté de gants en daim délicat de Crème de Cuir de BDK, plus vert et orangé et presque cologne masculine. Non, on se rapprocherait plutôt du démarrage de Divin Enfant d’Etat libre d’Orange mais sans la note café inattendue de ce dernier.

Pour Ozkan, la fleur d’oranger se déploie sur la peau avec un léger côté animal, propre aux fleurs blanches (indole) et des notes cuirées relevées par une touche parcimonieuse de safran. Une note cuirée elle aussi, mais aussi épicée, chaude voire miellée et qui contribue à donner du caractère. Je pense qu’il participe aussi avec les aldéhydes à poudrer légèrement ce parfum, à lui donner un petit côté vintage.

Ozkan a ainsi un côté « tradition française » tout en jouant sur un territoire olfactif créatif très moderne par l’emploi des matières premières choisies avec soin. Cette fleur d’oranger a aussi une tenue importante et un sillage affirmé, mais sans effet coup de poing. Un parfum comme un cheval pur-sang, en clair-obscur.

oscarine sylvaine delacourte

Avec Oscarine, Sylvaine Delacourte décide d’explorer la fleur d’oranger d’une manière tout autre. Elle la confronte à des notes fruitées, un fond boisé-aromatique original de cyprès et à des facettes chyprées.

Oscarine, du nom de la nymphe des forêts du Nord, est une composition tout à la fois vivifiante et très joyeuse.

La fleur d’oranger y est traitée en accentuant son côté fruité par une framboise malicieuse, un brin sucrée, évoquant la chair juteuse.

Oscarine débute par des éclats de bergamote, des touches florales fraîches agrémentés de l’effet tonique du basilic, façon feuille écrasée. Un absolu de bourgeon de cassis, fruité, vert et acidulé augmente l’effet conifère conféré par les aiguilles de pin qui annoncent, ou prolongent, les notes de cyprès. Un fond boisé vert évoquant l’écorce, voire les racines, ce qui rend l’ensemble extrêmement tonique.

Là aussi, comme pour Ozkan, une façon de travailler en clair-obscur où le départ lumineux ensoleillé termine dans le vert terpène. Oscarine est un mixte entre Chamade de Guerlain où le cassis prédomine, et Azemour les Orangers de Parfum d’Empire.

Mais vous pourriez y trouver une proximité avec l’Eau d’Orange Verte d’Hermès (1979) avec toutefois plus de complexité et le sillage d’une eau de parfum.

Avec sa créativité et son originalité, Sylvaine Delacourte poursuit son désir de nous faire partager une autre parfumerie, pleine de défis.

Sur Parfumista, nous vous avons déjà parlé d’Oranzo. Je vous invite à découvrir les 2 autres créations de cette collection Fleur d’Oranger : Olyssia et Osiris.

 

Et vous, connaissez-vous les parfums de Sylvaine Delacourte ? Lesquels vous tentent le plus ?

 

Note Parfumista : Ozkan et Oscarine sont deux parfums créés par la parfumeuse Irène Farmachidi, déjà auteure de plusieurs parfums des collections Vanille et Muscs de Sylvaine Delacourte.

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3 commentaires à “Ozkan et Oscarine de Sylvaine Delacourte : fleur d’oranger réinventée

  1. Laure

    Bonjour,
    Il est assez difficile de départager Ozkan et Oscarine qui ont tous deux des facettes qui me plaisent beaucoup et d’autres un peu moins.
    Leur point commun, ils sont originaux et très travaillés, car souvent la fleur d’oranger reste à l’état de fleur d’oranger (soit musquée, miellée ou verte… la liste n’est pas exhaustive).
    Bon week-end parfumé à tous

  2. Daniel

    Oh là là, Ozkan me fait vraiment envie. Je pense que je vais commander un échantillon.
    Très belle critique.
    Merci

  3. Max

    Très mauvaise rencontre entre cette marque et moi malheureusement. Je ne sais pas quelle mouche m’a piqué quand j’ai commandé le set d’échantillons de la collection Vanille (tout en sachant que je n’aimais pas cette matière) alors que le set d’échantillons de la collection Musc (beaucoup plus adapté à mes goûts) était à un clic de moi. Je n’arrive pas à me souvenir le pourquoi du comment.
    Tant est-il que j’ai pris mon temps pour sentir chaque échantillon, et même si l’un d’entre-eux m’a paru relativement agréable (j’avais une impression de thé noir dedans), tous les autres ne me correspondaient pas du tout.
    De l’ambiance générale de cette collection, j’ai eu une impression de « politiquement correct » (oui, désolé, pas trouvé d’expression plus évocatrice). Peut-être est-ce l’impression que me laisse la vanille en général, auquel cas il s’agit juste de ma perception et je m’en excuse, mais quand je sens Havana Vanille, la seule vanille « centrale » que j’aime réellement, « correct » n’est pas le mot qui me vient à l’esprit, même si le parfum n’est pas scandaleux non plus.
    Avec cette collection Vanille, je ne m’attendais pas à du subversif, mais je ne m’attendais pas à un ensemble de parfums « bien élevés et gentillets » non plus. Ce que je vais dire est très réducteur et sûrement dur à entendre pour un parfumeur, mais j’ai l’impression que toute la collection Vanille pourrait être porté par une femme mûre très bourgeoise, très coincée et hautaine, dont l’obsession du qu’en dira-t-on et du bien paraître frise la névrose. Je sais que c’est affreux de dire ça, mais j’ai l’impression que cette liberté artistique dont à commencé à jouir Mme Delacourte en créant sa marque a donné naissance à une collection très « domestiquée » et passe-partout, même si les parfums sont très différents les uns des autres (pas facile quand la note centrale est toujours la même) et qu’il y a une originalité appréciable.
    En toute modestie, je suis incapable d’affirmer mon impartialité étant donné mon rapport à la vanille, mais même si je le fais avec des mots forts et désagréables, j’écris cet avis en toute honnêteté et bienveillance.
    Après, les qualifications de Mme Delacourte sont impressionnantes, donc je ne doute pas qu’elle soit amplement capable de donner le change et ses autres créations seront peut-être plus à mon goût. Je fonde beaucoup d’espoir dans la collection Musc, puisque c’est certainement la famille la plus à même de se « rebeller » avec des notes très animales voire fécales, tout en apportant un touche cosy avec certains muscs blancs moins turbulents, mais de caractère tout de même.
    Quant à la fleur d’oranger, même si je ne lui voue pas les mêmes sentiments qu’à la vanille, je dois dire que je suis sceptique. C’est pour moi une fleur très féminine, qui peut soutenir un parfum masculin lorsqu’elle est faiblement dosée, mais qui, lorsqu’elle est au centre de la composition, a peu de chance de m’être portable. Peut-être le savoir-faire de Mme Delacourte me réservera une bonne surprise ?

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