Empreint de poésie et de mystère, Olivier Durbano est un amoureux des pierres qu’il transforme en bijoux et en parfums. Rencontre avec un créateur méditerranéen atypique et attachant.

olivier durbano

1/ Bonjour Olivier, pouvez-vous nous raconter comment les pierres sont entrées dans votre vie ?
J’étais enfant, j’avais 4 ou 5 ans. Sur une brocante, j’ai fait un caprice pour que mes parents m’offrent une pierre. De mémoire c’est mon premier contact fort avec les pierres. Cette géode grise, ronde, aux cristaux très denses, peu séduisante, m’a accompagné toute mon enfance et a appelé d’autres pierres.

2/ Parlez-nous de votre première rencontre avec le parfum.
Je me souviens plutôt d’odeurs. Des odeurs de terre, de rose de mai, de jasmin, de raisin framboise à Grasse, chez mes grands-parents. Des odeurs de Méditerranée, de sable, de feux d’artifice, d’encens d’église. Des odeurs de pâtes fraîches aussi, de tomate, de feu de bois…

3/ Après des études d’architecture, vous dessinez vos premiers bijoux ; des créations uniques et contemporaines en pierres dures et fines. En 2005, votre collection Pierres-Poèmes s’ouvre au monde de la parfumerie de niche. Comment est née cette envie ?
A l’adolescence j’avais occulté ce « dialogue avec les pierres ». C’est en première année d’architecture que j’ai fait mon premier voyage, mon premier vol, pour la Syrie. Un lointain inimaginable, un voyage dans l’espace mais également dans le temps. Un voyage à l’origine de l’homme et à la connexion entre la Terre et le Ciel… Pour moi c’était une immense émotion. Le sentiment d’air était toujours là. Et au détour d’un souk, des perles de pierre, anciennes, fascinantes, ont vite rempli une valise et sont revenues avec moi. Quelques mois après, un regard posé sur la valise, j’ai eu l’envie de les contempler, de les toucher et de leur donner une vie nouvelle : le premier collier, une pièce unique. Et comme un jeu d’enfant, un deuxième, un troisième… Et une évidence s’est imposée : c’était cela mon chemin – sans connaître le comment ni le pourquoi, une intuition, une grâce. Ces pierres m’ont fait voyager par leurs légendes, leurs symboliques, leurs vibrations. Elles m’ont ému et évoqué des odeurs, venues de ces voyages mobiles et immobiles. De là, les parfums sont nés.

4/ En tant que créateur, quelles sont vos influences ?
Mes inspirations sont croisées, mêlées, tantôt visibles ou invisibles, d’ici ou d’ailleurs. Je laisse d’abord venir la pierre, source d’inspiration, puis je me plonge dans les textes, les images, les ressentis, en laissant une place forte à la Providence.

5/ Comment procédez-vous pour traduire olfactivement la symbolique et les pouvoirs des pierres ?
Je prends le temps de laisser infuser l’inspiration, de retrouver dans le parfum les images, les émotions, les vibrations de la pierre… Il y a plusieurs étapes, qui m’amènent à écrire un poème, à rédiger petit à petit la liste des ingrédients. Ensuite je procède à des essais de mélanges, de dosages. Jusqu’à l’instant où il y a correspondance.

6/ Vos parfums nous font voyager dans un univers spirituel et poétique, marqué par des accords minéraux souvent teintés d’encens. Diriez-vous que vos créations parlent plutôt au ressenti qu’à l’intellect ?
Oui, j’aime l’idée de « ressentir » un parfum. Pour moi, c’est ouvrir la porte aux émotions pures, à l’inconscient, au mystère… le parfum a cela de merveilleux, et c’est ce que je partage. Encore faut-il accepter de ne pas trop le penser, de l’analyser et de vouloir le contrôler.

Turquoise, Jade et Pyrit Ana Tra d'Olivier Durbano

Turquoise, Jade et Pyrit Ana Tra d’Olivier Durbano

7/ Vous avez imaginé votre dernier parfum comme une alchimie tridimensionnelle : Pyrit, Ana, Tra. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dans ce temps ouvert à l’inspiration, cette unité en trois parties est venue comme une évidence mais que j’ai eu quelques difficultés à admettre au départ. L’inspiration n’est pas seulement venue d’une pierre cette fois-ci, mais de cette trilogie, Pyrit Ana Tra, qui s’est imposée intuitivement. Il était essentiel pour moi d’être fidèle à mon ressenti, donc je suis finalement parti sur ce chemin. Pyrit Ana Tra est une alchimie mystérieuse de mots. La pierre de l’évolution intérieure (Pyrit) ; un doux prénom tiré d’Hannah, la grâce en hébreu (Ana) et l’homme évoluant de l’ombre à la lumière, traversé d’un éclair, d’une étincelle, d’une illumination (Tra).

8/ Quels éléments olfactifs composent le parfum ?
Cette alchimie de mots se mêle à une alchimie d’ingrédients qui portent en eux une intuition, une facette de l’inspiration. Les notes viennent au fur et à mesure, le lentisque pistachier est le premier à s’être imposé. Le petit grain est ensuite apparu, et ainsi de suite*. Les vibrations du parfum se dessinent, laissant dans le sillage les notes… Un parfum est une lumière qui prend vie selon ce qu’elle éclaire.

9/ Pyrit Ana Tra est votre quatorzième création. Elle est présentée dans un flacon différent, aux lignes plus douces et arrondies. Ce parfum symbolise-t-il un nouveau départ ?
Il était essentiel de donner des signes afin de mettre en cohérence les vibrations du parfum et cette évolution, cette étape. Le flacon évolue du carré au rond, la calligraphie signifiant « au commencement », du japonais ancien au syriaque araméen. En fait, c’est une continuité, de parfum en parfum, sur un chemin de pierres. Une vie, marquée par des rencontres, des pauses, des étapes, des escales…

10/ Olivier Durbano, quel est votre luxe à vous ?
Une forme de liberté sur les ailes de la créativité. De l’émotion, de la qualité et de la rareté, toujours avec sincérité.

 

(*) Le parfum possède aussi des facettes cuirées, musquées, épicées, oud, tabac, ambre gris, réglisse… / Note Parfumista

 

 

Connaissiez-vous Olivier Durbano ? Avez-vous déjà testé un de ses parfums ?

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10 commentaires à “Interview parfumée : Olivier Durbano

  1. Daniel

    Bonjour,
    Quelle joie de découvrir cet article sur le très talentueux Olivier Durbano.
    Un homme, un artiste doté d’une grande sensibilité, d’une belle énergie et d’un gentillesse infinie.
    J’ai rencontré Olivier et découvert ses créations voilà maintenant une dizaine d’années et j’attends toujours avec impatience le salon du Pitti Fragranze pour avoir la primeur d’y découvrir le dernier né.
    Il m’arrive de me rendre à Grasse à l’une de ses boutiques galeries où plane une ambiance enchanteresse, faite de mystères, de magies, d’énergies positives où se côtoient le minéral, la soierie, les bijoux et les essences de la collection Pierres Poèmes.
    Déposez délicatement une de ces fragrances sur la peau et voyez le processus de transformation alchimique prendre forme en créant de la beauté et de l’Amour dans le monde…

  2. Perrin

    Merci pour ce bel article sur Olivier Durbano et ses créations. Quelle justesse dans le questionnement et quelle émotion dans les réponses.
    Pour le connaître, j’invite toutes les personnes se rendant à Grasse à découvrir son monde magique et ses boutiques sublimes de beauté et d’authenticité.
    A découvrir et à consommer sans modération. Bon pour le corps et l’esprit.
    Cordialement à tous et belle journée ou doux rêves.

  3. Pfau

    Bravo Olivier !
    Ce sont des Grassois comme toi qui vont faire grandir cette belle ville de Grasse.
    Gilbert

  4. Laure

    Bravo pour cette interview qui se lit plutôt comme une conversation. C’est assez rare de ressentir cela.
    Et sinon, Olivier Durbano avait eu la gentillesse de m’adresser en son temps un échantillon du joli Quartz Rose.

    1. Parfumista

      Bonjour Laure,
      Merci de votre message, c’est très gentil. Et merci à Scentifolia pour cette belle interview d’Olivier Durbano.

  5. Jocelyne

    Homme hors du commun.
    Créateur inventif et talentueux.
    Parfums, bijoux, galeries : une fois découvert, son univers magique et enchanteur vous enveloppera avec volupté et questionnement.
    Ses parfums, audacieux, complexes, enchanteurs, vous ravissent à la première touche, par leur personnalité et les voyages qu’ils suscitent.
    Très bel interview donnant à ceux qui ne le connaissent pas, l’envie de la découverte.
    Grasse a trouvé son Diamant.

  6. Iandosoa

    La belle découverte de ce dimanche.
    Son univers et sa démarche me fascinent, je vais prendre le temps d’approfondir la découverte.
    Merci Parfumista !

  7. Jean-Michel

    Merci, merci et encore merci Olivier d’être ce que tu es. Je suis passé à Grasse dans l’une de tes boutiques, arrivant d’une île parfumée de lentisque et autres plantes du maquis, je suis en total admiration avec ton travail.
    Cet interview reflète exactement l’énetgie qui se dégage de cet alchimiste du « Beau » et de ses créations envoûtantes.

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