Ecrivain, blogueuse, journaliste, conférencière, traductrice*, Denyse Beaulieu reste avant tout une grande passionnée du parfum ! Dans cette interview, elle nous parle de ses projets et de ses coups de cœur.

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Vous la connaissez sans doute pour son blog Grain de Musc. Denyse Beaulieu est aussi l’auteure de « Parfums, une histoire intime », un livre qui évoque l’univers olfactif sous angle personnel et passionné.

1/ Bonjour Denyse, depuis quand écrivez-vous sur le parfum ?
Mon blog est né le 5 mai 2008. C’est-à-dire, sans le faire exprès, le jour d’anniversaire du lancement de Chanel N°5**, dont il était précisément question dans mon premier billet. Auparavant, j’avais fait quelques contributions à des blogs parfum de langue anglaise, que je suivais depuis la naissance du genre en 2005.

2/ Quel est le premier parfum que vous ayez porté ? Et le premier que vous ayez offert ?
Une voisine m’avait offert Green Apple de Max Factor, mais je ne voulais pas d’un parfum de petite fille et il est resté dans un tiroir. Puis j’ai acheté Tigress de Fabergé, mais je n’ai pas dû le porter, car la note ne suscite aujourd’hui aucun flashback olfactif. Je précise que je viens du Québec, où le parfum ne fait pas partie de la culture. Je n’ai donc pas tété L’Heure Bleue au sein de ma mère. Je pense que le premier truc que j’aie réellement porté, était un compact Sweet Earth de Coty avec des concrètes de jacinthe, de chèvrefeuille et d’ylang ylang… Quant au premier parfum que j’ai offert, je n’en ai pas le moindre souvenir.

3/ Avoir pu créer un parfum avec L’Artisan Parfumeur, c’est une chance… Comment est né ce projet ?
Justement pas comme un projet. Je préparais un cours d’initiation au parfum au London College of Fashion. Bertrand Duchaufour, dont je souhaitais présenter les créations lors de ces séances, m’expliquait son travail. La conversation a dérivé vers nos souvenirs de voyage. Je lui ai parlé de la Semaine Sainte à Séville : les orangers en fleur, l’encens et les cierges en cire d’abeille, moi parfumée d’Habanita***, dans les bras d’un bel Andalou… Bertrand m’a tout de suite dit que cela ferait un très beau parfum. Au départ, j’ai cru que c’était le genre de truc que les parfumeurs disent à toutes les filles… Et puis, non, il a commencé à le composer.

4/ Super histoire ! On comprend mieux l’idée du livre…
Durant cette période, j’étais précisément en discussion avec une éditrice londonienne qui souhaitait me faire écrire un livre sur le parfum. Nous hésitions sur le format. Je lui ai raconté que l’un de mes souvenirs de voyage avait inspiré un parfumeur. Elle m’a répondu que nous tenions là le fil rouge de mon livre. Je suis donc retournée voir Bertrand pour lui demander s’il accepterait que je fasse le récit du développement de ce parfum sévillan… Non seulement il a accepté, mais il m’a demandé de rédiger ce journal de création dans une totale transparence. Puis, au fur et à mesure du développement, il m’a poussée à devenir bien plus qu’une inspiratrice ou une chroniqueuse : une partenaire de création. L’Artisan Parfumeur s’est intéressé au projet très vite, mais sans s’impliquer outre mesure. Je considère donc que Séville à l’aube est un parfum que Bertrand Duchaufour a créé avec moi, et qui a été édité par L’Artisan Parfumeur. Cela dit, il y a tout à fait sa place, car il s’inscrit dans la lignée des « odeurs volées par un parfumeur en voyage » initiée par Pamela Roberts, directrice de création de L’Artisan Parfumeur durant son époque la plus féconde et la plus innovante.

5/ Si vous deviez partir sur une île déserte avec cinq parfums seulement (difficile !), lesquels choisiriez-vous ?  

  • Mitsouko, parce que c’est pour moi le parfum suprême.
  • L’Eau d’orange verte, parce qu’elle me rappelle mon plus grand amour.
  • Le Parfum de Thérèse, parce que c’est Mozart en flacon (même si d’ordinaire j’associe plutôt Edmond Roudnitska à Bach).
  • Séville à l’aube parce que c’est mon bébé.

Après, ça se bouscule un peu… je pense que je prendrais des larmes d’encens –ne serait-ce que pour pleurer le fait d’être sur une île déserte !

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Mitsouko (Guerlain), Eau d’orange verte (Hermès), Le parfum de Thérèse (Frédéric Malle), Séville à l’Aube (L’Artisan Parfumeur) et Habanita (Molinard)

6/ Quelles personnalités du monde du parfum et de la mode (vivantes ou mortes) admirez-vous ? Pourquoi ?
Allez, je vais m’en tirer par une pirouette, sinon on est là pour la nuit. J’admire tous les parfumeurs, parce que franchement, ils font un truc assez magique ! Dans l’industrie, je suis assez bluffée par Maurice Roger, qui dirigeait les parfums Christian Dior à l’époque de Poison, Fahrenheit et Dune. Je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer mais il me semble avoir été un visionnaire. Dans la mode, disons Madeleine Vionnet. L’anti-Chanel. Ni belle, ni star, ni mondaine. Une vraie créatrice de formes plutôt qu’une lectrice géniale de l’air du temps. Un savoir de la main et du tissu plutôt que de l’image. Une recherche sur l’essence du vêtement, remontant à la Grèce antique. Certains de ses modèles, lors de l’exposition qui lui était consacrée au Musée des Arts Décoratifs, m’ont mis les larmes aux yeux.

7/ Quels sont vos coups de cœur olfactifs du moment ?
Des tas de trucs, finalement ! Parmi les lancements récents, je porte beaucoup Ostara, une belle jonquille de Bertrand Duchaufour pour Penhaligon’s, Misia d’Olivier Polge pour la collection Les Exclusifs de Chanel, un mimosa créé par Jean-Christophe Hérault pour le coffret Speed-smelling d’IFF… Et puis Tellus, composé par Nadège Le Garlantezec pour la trilogie Les Eaux Arborantes de Liquides Imaginaires, parce que ça sent la terre qui émerge de la neige au printemps. En même temps, comme on est au printemps et qu’il fait beau, mes vrais coups de cœur, ce sont les orangers, les glycines, les lilas, les chèvrefeuilles qui fleurissent en ce moment à Paris. Un enivrement.

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Les Eaux Arborantes (Liquides Imaginaires), au centre : Tellus

Rien de précis. Le problème des livres sur le parfum, c’est que les éditeurs nous demandent à chaque fois de revenir au B.A.-BA, quel que soit l’angle par lequel on aborde le sujet. Or j’aurais envie de dépasser ce stade. Pour l’instant, je prends des notes !

 

(*) Denyse Beaulieu est notamment la traductrice de ‘Fifty shades of Grey’. (**) Chanel N°5 a été lancé le 5 mai 1921. (***) parfum de Molinard. / entête : photo de Denyse Beaulieu par Vincent Thibert.

Et vous, connaissiez-vous Denyse Beaulieu ? Avez-vous lu son livre ?

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6 commentaires à “Interview parfumée : Denyse Beaulieu

  1. Murielle

    Passionnée d’odeurs et de littérature, c’est avec grand plaisir que j’ai lu « Parfums, une histoire intime » et que… je me suis rendue à Séville il y a tout juste trois semaines.
    Cette ville andalouse, en plus d’être très belle, possède une identité olfactive unique. Lors de mon périple, les orangers n’étaient plus en fleurs mais dans l’air flottait une odeur que je n’ai jamais sentie ailleurs : mélange délicat d’effluves fleuries et de muscs blancs tout propres avec quelque chose de plus indolique.
    L’ensemble se mêlait parfois à quelques vapeurs de lavande quand marchait devant moi un vieux monsieur aux cheveux gominés, à quelques bouffées d’encens et de cire d’abeille dans la cathédrale…
    Autant de clins d’œil olfactifs à l’ouvrage de Denyse Beaulieu, ouvrage qui a guidé mes pas jusqu’à Séville.

    1. Parfumista

      Bonjour Murielle,
      Merci de votre commentaire.
      Vos mots, eux aussi, donnent envie de découvrir ou redécouvrir Séville. 🙂
      Olfactivement vôtre.

  2. Laure

    Bonsoir,

    Merci pour cette interview passionnante de Denyse Beaulieu que je connais depuis 2008. Cela me fait vraiment plaisir de la lire sur Parfumista 🙂

    En revanche, je n’ai pas lu son livre, je vais me rattraper 😉

    Belle soirée

  3. chakim

    Merci pour cette interview. J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer Denyse Beaulieu dans la boutique de Nicolaï tenue il y a longtemps par une de mes chères amies !
    Je n’ai pas encore lu son livre, peut être un jour ! Qui sait ?

  4. Rousseau Fabrice

    Encore un bel article qui donne envie de rencontrer ces passionnés qui ont eu de belles aventures parfumées et qui en auront d’autres!
    Le site « Grain de musc » est une référence et Denyse Beaulieu en est la responsable !
    Bravo et merci pour ce partage.

  5. Bourret

    Merci pour votre article.
    C’est fou comme un parfum peut nous rappeler quelqu’un surtout son premier Amour.

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