Avec les beaux jours, une envie de vert titille le nez des parfumeurs qui abandonnent les notes sucrées à la mode pour un repos olfactif. Que ce soit dans des forêts imaginaires ou dans le décor des paysages de Provence, l’idée est de nous entraîner vers des ailleurs plus bucoliques.
Diptyque réinterprète l’accord classique de la fougère à travers la menthe dans une eau de parfum mixte vivace nommé Eau de Minthé. Cette création s’inspire de la mythologie grecque où la nymphe Minthé* est métamorphosée en menthe par le dieu Hadès, son amant, qui souhaite lui épargner les foudres de son épouse bafouée.
C’est la menthe fraîche et poivrée de l’Oregon ou menthe cascade qui a été choisie par son créateur, Fabrice Pellegrin. Sa fraîcheur aromatique souligne un cœur floral de géranium dont les notes vives sont peu communes. Un patchouli, boisé et moussu, apporte à ce duo explosif de la profondeur et surtout le tempère.
Comme dans chaque écriture olfactive de la marque qui nous accompagne depuis 50 ans, on note un « accident olfactif ». Ici : des notes incisives d’oxydes de rose, molécules de synthèse existant aussi naturellement dans l’huile essentielle de rose, et possédant des tonalités à la fois vertes et un effet litchi. Elles font écho aux accents rosés du géranium. Classiquement utilisées dans la parfumerie féminine, ces notes florales sont plus inattendues dans cet accord fougère, emblématique de la parfumerie masculine.
Masculin ou féminin ? L’impression première rappelle certaines fougères des années 80 comme le célèbre Drakkar Noir de Guy Laroche -une sensation plus virile que nymphe ! En effet, une fraîcheur extrême comme un bonbon mentholé nous surprend d’emblée, suivie rapidement par une odeur familière de savon de barbier. Le parfum sent le propre, le très propre avec un charme désuet rétro tandis que persiste tout le long de la composition un petit filet rafraîchissant aromatique de menthe. Une fragrance unisexe mais qui, par ce côté savon à barbe, me semble plus à connotation masculine. D’ailleurs la typographie de l’étiquette du flacon côté recto m’évoque celle des barbershops anglais où l’odeur de savon de barbier a été le point d’ancrage de l’accord fougère en parfumerie. Un clin d’œil certainement voulu aux origines de Desmond Knox-Leet, l’un des fondateurs de diptyque.
Le parfum se fait plus suave ensuite grâce aux notes de patchouli qui s’étirent sur peau. Cette facette enveloppante est suggérée sur l’étiquette du flacon, côté verso, par la nymphe Minthé cachée dans une forêt imaginaire peuplée d’arbres et de feuilles mélangées de menthe.
Herbae de l’Occitane illustre lui aussi ce retour à la naturalité, ce besoin de sensation verte, de désir champêtre pour oublier le stress citadin : on est loin des effluves gourmands ou orientaux de l’hiver. A la différence de diptyque, cependant, Herbae est plus doux, plutôt féminin, inattendu et champêtre. Il célèbre la femme « naturelle », authentique avec ses petites imperfections qui font son charme… comme peuvent l’être les herbes folles (la source d’inspiration du parfum). Notons qu’un homme pourra s’y reconnaître aussi !
Herbae, c’est également une balade à la campagne au milieu des roses sauvages, des orties blanches, de la sauge sclarée et des ronces de mûres. Une senteur joyeuse comme une ode à la nature indomptable des paysages de Provence.
Si le cœur floral vert met en avant la nature sauvage, le fond plus rond de muscs blancs, de bois de cachemire et d’herbes folles fait perdurer le moment. Les notes de flouve, une graminée à odeur de coumarine (senteur de foin séché et d’amande) et de miel renforcent le côté addictif de la composition.
Ce parfum présenté dans un flacon triangulaire vert végétal au bouchon entouré d’un lien en raphia tel un brin de liberté, est en soi poétique. Tout comme peut l’être finalement l’Eau de Minthé avec sa nymphe cachée dans un univers imaginaire.
Mon cœur balance pour… Herbae, qui se singularise par son coté vert transparent assez joyeux que je ne retrouve pas dans l’Eau de Minthé. Celle-ci m’apparaît plus sombre, plus forêt, sans doute par le patchouli à connotation sous-bois. La graine d’ambrette, un musc végétal, apporte par ailleurs une douceur musquée, ambrée et fruitée à Herbae alors que le parfum de diptyque est rendu plus vivifiant par la menthe. Deux univers verts sensiblement différents mais qui témoignent de la green attitude très en vogue aujourd’hui.
(*) aussi appelée Mynthé ou Menthé. Quant à Hadès, il est considéré comme le maître des Enfers.
Avez-vous testé ces parfums ? Lequel vous tente le plus ?
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Bonjour,
J’ai pu tester Herbae de l’Occitane qui est une jolie fragrance lumineuse.
Je la trouve plutôt mixte, le côté floral ne ressortant pas beaucoup sur ma peau.
De toute façon, ma préférence serait allée à L’Occitane. J’ai du mal avec Diptyque… pourquoi, je ne saurais le dire.
Cela pourrait aussi être un sujet d’article : « la ou les marque(s) qui ne nous inspirent pas… ».
Mon coeur balance aussi pour Herbae, même si je ne le porterais pas.
En règle générale, je n’aime que très modérément la menthe poivrée ; je lui préfère de loin la menthe verte et son côté chlorophylle, trop peu utilisée dans les parfums. Je me rappelle avoir lu un article de Fragrantica sur les parfums comportant de la menthe, et je m’étais promis de m’intéresser à Roadster de Cartier (L’Envol de Cartier, que je possède, m’avait fait un effet bœuf et je voulais m’intéresser de plus près à cette maison), malheureusement, il s’est noyé dans le flot de parfums que je dois tester…
Et pour ce qui est de cette mode du parfum vert qui s’installe, je dois dire qu’elle est bienvenue !
Pourtant, je n’ai que très peu de parfums vraiment verts, à part peut-être Fou d’Absinthe, Premier Figuier et Fleur de Liane. Et puis j’adore le cis-3-hexénol et son odeur d’herbe coupée ! 😛
En parlant d’herbe coupée, le parfum « II » de Cire Trudon est très joli !
Bonjour Pierre !
Je me suis renseigné un peu sur Deux de Cire Trudon et sa description n’est pas sans me rappeler Méchant Loup… Malheureusement, il est un peu hors de mon budget.
Je verrai tout de même si je peux me procurer le set d’échantillons, à l’occasion.
Merci 🙂
Herbae de L’Occitane m’a un peu laissée sur ma faim. Sur la peau, impossible de bien saisir le « vert translucide », mais c’est la mûre avec un côté acidulé qui l’emporte.
J’ai cherché de l’ortie blanche (ou lamier blanc) pour sentir les fleurs par curiosité et c’est une note intéressante qui mérite vraiment une place bien à elle et non cachée par la mûre. Mais l’idée est belle !
Bonjour Iandosoa,
C’est intéressant d’avoir l’avis d’une experte fan des végétaux. C’est vrai que pour les parfums ou les produits cosmétiques, les plantes sont souvent revendiquées mais au final peu présentes en pourcentage dans la formule (notamment les gels douche).
Cela dit, ça fait du bien de voir qu’une tendance plus végétale et non gourmande émerge ces derniers temps en parfumerie.
Merci de votre message et à bientôt sur Parfumista