Proposer des parfums rares à prix modérés, c’est le credo d’Essential Parfums. Nous avons rencontré sa créatrice, une passionnée de longue date par le parfum, mais aussi une femme engagée.

geraldine archambault essential parfums

1/ Bonjour Géraldine, pouvez-vous nous raconter votre premier souvenir olfactif ?
Sans hésiter, le parfum de mes parents quand j’étais petite. Ma mère portait Shalimar et mon père, Eau Sauvage. J’ai toujours baigné dans le parfum depuis toute petite. Mes parents travaillaient tous les deux dans ce milieu, chez Rochas dans les années 70, puis après ils ont créé leur marque de parfums, les Parfums Aubusson. J’aurais adoré être parfumeur, mais la vie en a décidé autrement.

2/ Vous avez fondé Essential Parfums en 2018. Comment ce projet est-il né ?
Je trouvais qu’il manquait une marque de haute parfumerie signée par les plus grands parfumeurs, à un prix abordable. Sans parler de l’axe éthique et écoresponsable qui était aussi clé pour moi. Les parfumeurs restent bien trop souvent dans l’ombre des marques, des célébrités et des designers. Notre mission était de célébrer les vrais artistes derrière nos créations de parfums : ce sont eux nos stars. Comme avec n’importe quel autre artiste, nous leur avons demandé de signer leur travail sur chaque flacon.

3/ Comment choisissez-vous les parfumeurs avec qui vous travaillez ? 
Pour leur talent avant tout. Tous ont accepté dès le début de créer ces jus, de les signer et surtout d’apparaître sur le packaging et dans les vidéos. Ils ont eu carte blanche et ont créé sans aucune contrainte ni limite. Ils n’ont pas souvent la possibilité d’utiliser de si beaux ingrédients et surtout en aussi grande quantité. J’avais en tête des notes, des accords, des directions, et chacun a choisi la sienne. Cela s’est fait très naturellement et aucun n’a choisi la même. J’ai eu de la chance. Comme je le dis souvent, peu importe Kate, Giselle ou Kendall, les parfumeurs sont nos vraies stars.

4/ Quelles odeurs vous font vibrer ? 
Le lilas et le muguet au printemps, l’odeur de la nature après une bonne pluie, les odeurs régressives de l’enfance comme le pain d’épice, la fraise tagada, et bien sûr l’odeur du sapin à Noël… mais je n’aime pas les parfums gustatifs pour autant. J’anime depuis de nombreuses années des ateliers olfactifs en milieu hospitalier pour le CEW* et vous n’avez pas idée à quel point les odeurs ont un pouvoir incroyable sur des patients ! Notre mémoire olfactive est très puissante. Une odeur sur touche peut susciter de multiples émotions : un accidenté de la route prononcera quelques mots en sentant l’odeur du pneu brûlé sur l’asphalte, une personne âgée se souviendra de toutes ses conquêtes en sentant le vétiver, ou des personnes atteintes de cancer partageront des recettes en sentant la poire.

Bois Imperial et Rose Magnetic

Bois Impérial et Rose Magnetic

5/ Y a-t-il un style Essential Parfums, et comment le caractérisez-vous ?
Je ne sais pas s’il y a un style Essential Parfums, mais nous partageons des valeurs d’authenticité, de transparence et de simplicité. Nous avons créé cette marque pour partager une véritable passion pour l’art du parfum. Notre priorité sera toujours la fragrance elle-même plutôt que les artifices qui l’entourent, tels que les flacons sophistiqués, les frais publicitaires et les frais de licence qui dénaturent souvent l’essence de la parfumerie.

6/ Avez-vous une anecdote, un souvenir, un secret de création à faire partager ?
Je n’ai pas systématiquement une image ou un souvenir lié à chacun de nos parfums mais c’est le cas cependant pour notre dernière création imaginée par Quentin Bisch, Bois Impérial. Je voulais rendre hommage à ma grand-mère franco-vietnamienne. Elle avait rencontré mon grand-père pendant la guerre d’Indochine. Elle venait de la ville impériale de Hué et l’avait rencontré sur un pont qui enjambe la rivière des Parfums… Tout un symbole ! C’est devenu un Bois Impérial. Il est sec, frais, sensuel. Fermez les yeux en le sentant, vous pourrez vous voir sur ce pont après une pluie de mousson. Quentin Bisch a fait une véritable merveille.

7/ Au-delà des prix abordables, vous vous engagez pour une beauté durable et responsable. Comment cela se traduit-il dans votre approche ?
Nous nous sommes associés aux plus grands parfumeurs en prenant soin de sélectionner, dans la mesure du possible, des ingrédients durables de premier choix. Dans chaque parfum, il y a entre 1 à 4 ingrédients différents récoltés durablement. Chaque ingrédient a un programme différent en fonction de sa provenance. Par exemple, le benjoin que vous trouverez dans Divine Vanille d’Olivier Pescheux vient du Laos. Une aide est apportée aux communautés productrices qui pourront ainsi fournir des infrastructures éducatives dans leurs villages et améliorer l’accès à l’enseignement secondaire en milieu rural. Par ailleurs, la récolte de la rose Damascena de Turquie aide les communautés locales à obtenir des revenus meilleurs et plus stables. Cette rose est au cœur de Rose Magnetic de Sophie Labbé. Que ce soit IFF ou Givaudan -et bientôt aussi Firmenich, les grands groupes utilisent en parfumerie environ 1500 ingrédients naturels et synthétiques. Seulement une poignée, environ 30, sont des naturels récoltés durablement. Cela limite donc les possibilités mais j’ai facilement trouvé mon bonheur, la qualité est incroyable. Nos jus sont faits avec de l’alcool végétal issu de la betterave et aucun colorant n’est ajouté. Ils sont entre 86 % et 93 % naturel. Nous sommes attentifs à l’impact de nos parfums sur l’environnement. Par conséquent, nous donnons la priorité au développement durable dans tout ce que nous réalisons, du début à la fin.

8/ Pour le contenu, donc, mais aussi le contenant ?
Nos emballages en carton sont certifiés FSC, un label qui privilégie la pratique d’une exploitation forestière durable. En outre, nos packagings sont sans cellophane, donc sans plastique. Notre fournisseur de verre s’engage lui aussi à des solutions minimisant l’impact environnemental, notamment en remplaçant ses fours à émissions de gaz par des fours électriques. Une étude internationale d’Unilever à ce sujet, révèle qu’un tiers des consommateurs choisissent désormais d’acheter auprès de marques qui, selon eux, font du bien socialement et environnementalement. Les achats durables deviennent la nouvelle norme. La beauté durable est essentielle.

carte à gratter, extrait

outil de détection de l’anosmie, détail

9/ Avec le Covid-19, on a beaucoup parlé d’anosmie, la perte d’odorat. Vous avez développé avec Gilles Sicard (ancien chercheur au CNRS) une carte parfumée pour évaluer son odorat. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le lien entre une anosmie précoce et l’infection au Covid-19 est avéré. On doit cependant prendre garde au fait qu’il n’y a pas de corrélation entre ce que disent les patients de leur olfaction et le résultat de tests olfactifs normalisés. Plusieurs tests normalisés circulent, en Europe ou aux USA, ils sont très complets mais ils sont longs à appliquer, plus d’un quart d’heure. Ils sont souvent construits pour tester de nombreux sujets avec un même matériel (souvent des flacons odorisés), donc potentiellement vecteurs d’agents infectieux. Nous avons donc proposé un test rapide et jetable, à usage unique. Il peut s’ouvrir en grattant le papier imprimé avec l’ongle. Il y a 3 pastilles différentes à gratter. La carte a été développée et financée par Orlandi, la Fragrance Foundation France, Symrise, et Essential Parfums. Elle est gratuite.

10/ Quelles tendances voyez-vous pour les parfums de demain ?
Je ne sais pas quelles seront les tendances de demain mais je pense que la parfumerie doit continuer à aller vers plus de transparence et d’authenticité. Et puis arrêtons de genrer les parfums. Nos parfums sont tous unisexes. On ne peut plus dire : « tu rentres dans cette case et toi dans celle-ci ». Chacun fait comme il veut !

11/ A titre personnel, quels sont vos essentiels dans la vie ?
Less is more.

 

Connaissiez-vous Essential Parfums ? Que pensez-vous de la démarche de proposer des parfums de niche à prix accessibles ?

 

(*) Le CEW (Cosmetic Executive Women) est une association professionnelle de réflexion et d’action qui réunit des femmes engagées dans le monde de la beauté. Des actions caritatives sont menées en milieu hospitalier pour offrir du bien-être, de l’estime de soi et de la dignité aux patients.

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6 commentaires à “Interview parfumée : Géraldine Archambault, Essential Parfums

  1. Roxana

    Do you mean Aubusson, the house that created « Histoire d’Amour »? That is so interesting. I had this perfume in its current version and I felt its elegance: a great silky-powdery apricot-peach smell. It was very synthetic in the beginning though and I guess it has to do with the American owner which isn’t using quality ingredients. I hope somebody restore it someday to its better state.

  2. Louise C

    Bonjour,
    Merci pour cet article. Je ne connaissais pas du tout cette marque et j’adore sa démarche et sa philosophie.
    L’avenir tend vers le responsable et l’authenticité, espérons que d’autres marques continuerons ainsi !

  3. Laure

    Bonjour et merci pour la découverte d’Essential Parfums et de sa fondatrice Géraldine Archambault.
    Je suis conquise par la démarche authentique et responsable de cette maison.
    Je viens de visiter le site, très bien conçu, et j’apprécie le positionnement des prix pour de la niche.
    Bravo !
    Bon 1er mai parfumé

  4. Gentiana Helix

    Merci pour ce partage.
    Le nom de la marque me ferait plutôt fuir, mais, la curiosité restant un excellent défaut, j’ai apprécié de découvrir le pourquoi du comment.
    Donc il existe des gens responsables dans le monde du parfum, c’est fabuleux.
    Et je crois que je vais aller promener mon nez par là…

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