Connu pour son travail chez Hermès et ses succès commerciaux tels First de Van Cleef (1976), Eau parfumée au thé vert de Bulgari (1992) ou Déclaration de Cartier (1998), Jean-Claude Ellena a également beaucoup créé pour la parfumerie dite de niche. Il y retrouve désormais son plaisir de créer.
Pour Jean-Claude Ellena, la consécration vient assurément en 2004, où il devient pour 12 ans le parfumeur exclusif de la maison Hermès, réalisant les collections des Hermessence, des Jardins et des Colognes. Plusieurs dizaines de parfums sans genre, même s’il ne faut pas oublier Jour d’Hermès (2014) et Terre d’Hermès (2006).
Un créateur qui a ainsi marqué de son empreinte la parfumerie contemporaine avec une écriture juste qui s’est simplifiée au fil de ses expériences, chargée du sceau de l’émotion et de l’élégance.
Désormais retraité de la maison Hermès, il n’a pas pris pour autant sa retraite de créateur de parfums. En réalité il continue à créer pour d’autres, adoptant aujourd’hui une « troisième écriture olfactive », encore plus explicite.
Investi dans de nombreux projets pour faire connaître le parfum au plus grand nombre, il était aussi dernièrement commissaire de l’exposition à Grasse « La fabuleuse histoire de l’eau de Cologne » (juillet 19-janvier 20) avec un ouvrage dédié.
Je vous ai parlé récemment de Rose & Cuir créé pour Frédéric Malle mais j’aurais pu vous parler de ses collaborations avec L’Artisan Parfumeur.
On retrouve aussi l’implication du maître dans deux créations de la maison de parfums rares Perris Monte Carlo. Ils magnifient la rose et le jasmin de Grasse, ville promue par l’Unesco au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité et dont il est originaire. Centrés sur ces fleurs, Rose de Mai et Jasmin de Pays sont saisissants de naturalité mais évoluent sur des constructions fines et élaborées par un travail poussé de création : « Ce ne sont pas tant les matières qui comptent, que la manière dont vous les assemblez » nous rappelle Jean-Claude Ellena dans son livre L’Ecrivain d’Odeurs.
Par ces mots, Ellena nous résume sa pensée, aller vers une parfumerie créative qui se réinvente. N’est-ce pas la promesse initiale des parfums dits de niche ? Il en donne une autre magnifique démonstration en retravaillant l’écriture d’un parfum, Essence Rare, qu’il avait composé en 1973 pour une des plus anciennes maisons de parfums, Houbigant (1775).
Grâce au rachat de celle-ci par Perris Monte Carlo, Ellena a pu améliorer sa formule : son ancien bouquet floral archétypal de rose, jasmin, muguet est désormais plus abstrait, plus épuré, plus contemporain, calqué sur l’évolution de sa sensibilité et de son sens artistique. Une belle réinterprétation : le parfum devient plus doux, plus feutré avec des fleurs indéfinies et une belle impression de cuir irisé. Cette Essence Rare rejoint la collection privée d’Houbigant, avec Quelques Fleurs l’Original (1912), Quelques Fleurs Royale (1998) ou le récent Quelques Fleurs Jardin Secret (2017).
Ellena partage également ses « expériences émotionnelles » avec la maison italienne Laboratorio Olfattivo, accompagné de son ami de toujours Lucien Ferrero. Leur Masters’ Collection comprend, entre autres, Tuberosis, une fragrance où le souffle de la tubéreuse entretient le souvenir fugitif de l’été qui s’enfuit et Baliflora, qui célèbre l’île indonésienne avec la beauté des fleurs de frangipanier (Ferrero pour sa part a créé les fragrances Tantrico et Vetyverso).*
Jean-Claude Ellena, par son imagination libre de toute contrainte, met tout en œuvre pour enfermer dans des flacons une atmosphère faite d’émotions et de suggestions, se rappelant sans cesse la phrase d’un de ses auteurs préférés, Jean Giono : « Les Dieux créent les odeurs, les hommes les parfums ».
Son ambition est aujourd’hui de faire partager au plus grand nombre une parfumerie plus rare, loin du marketing, une parfumerie sensible favorisant les rencontres. Ses livres, depuis L’Ecrivain d’Odeurs montrent son engagement vers cette voie artistique.
Avec ce troisième souffle, Ellena ne semble pas vouloir décrocher et nous entraîne vers une parfumerie… de désir.
Et vous, quel est votre création préférée de Jean-Claude Ellena ? Connaissiez-vous les parfums évoqués ici ?
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Bonjour, je ne connais pas les parfums évoqués dans cet article.
Rose de Mai de Perris est le plus tentant.
First de VCA est ma composition parfumée préférée hors Maison Hermès. Et Un Jardin en Méditerranée est pour moi un parfum emblématique chez Hermès.
Que de signatures Jean-Claude Ellena !
Bonjour Laure,
Oui, cette Rose de Mai devrait vous plaire.
Mais à vrai dire, le nombre et la variété de parfums créés par Jean-Claude dans toute sa carrière est étonnante. Et ce, pour tout budget : selon Michael Edwards, le parfum Indra vendu en supermarché a été créé par Jean-Claude Ellena en 1983. Ce n’est pas le même budget que les Hermessence ou les parfums de niche actuels, mais ça prouve qu’il y a des découvertes olfactives à faire partout, même en supermarchés !
Nous espérons que vous allez bien pendant cette période difficile, surtout dans l’Est.
A bientôt…
Bonjour Parfumista,
Merci, je vais bien, et j’espère qu’il en va de même pour vous car c’est tout aussi difficile en Ile de France. J’étais loin de me douter que le nez d’Indra est Jean-Claude Ellena.
J’ai parcouru le net et ai trouvé de nombreux avis positifs… à sentir dès que je le pourrai !
Bon dimanche et à bientôt…
Bonsoir,
J’ai vaporisé un peu d’Indra à la sauvette samedi dernier (le testeur était non loin d’un produit dont j’avais besoin). Une fragrance de qualité, qui me rappelait un parfum…
Pas facile dans le contexte actuel de trouver. Eh bien, sur ma peau et à mon nez, c’est dans la même veine, voire très proche de Fidji, le côté épicé en moins.
Quoique, au fil des reformulations, la facette épicée a bien perdu de son intensité.
Bonne soirée !
Bonjour Laure,
Merci de votre ressenti.
Avec le confinement, le rayon parfumerie des supermarchés offre un espace de découvertes olfactives inattendu 😉
Bonne journée et à bientôt sur Parfumista
Bonsoir,
Je vous livre la suite de l’aventure parfumée avec Indra.
Je l’ai finalement acheté samedi, je n’ai pas pu résister 😉
Je le porte depuis dimanche, un plaisir qui augmente de jour en jour.
A retenir pour les pépites de supermarché, il a coûté moins de 6 euros les 100 ml !
Bonne soirée parfumée et à bientôt
Merci Laure,
Nous sommes très contents de vous avoir permis de découvrir cette pépite inattendue.
Racontez-nous si vous faites d’autres expériences comme celle-ci. Les parfumeries étant fermées, les supermarchés offrent actuellement des libertés d’évasions olfactives insoupçonnées !