Patricia de Nicolaï, descendante de la famille Guerlain, a fondé sa propre maison de parfumerie en 1989. Guidée par son amour des belles matières, elle crée Nicolaï Parfumeur-Créateur avec le soutien de son mari. Des parfums élégants et intemporels voient le jour, Crème Ébène est le petit dernier ! Rencontre avec une créatrice libre, exigeante et passionnée.

1/ Bonjour Patricia, comment définiriez-vous votre première rencontre avec le parfum ?

Ma première rencontre avec le parfum remonte à mon enfance, dans la maison de mes grands-parents, où il y avait un jardin extraordinaire rempli de fleurs. Ma grand-mère avait aussi un magnifique boudoir rempli de merveilleux parfums – venant majoritairement de chez Guerlain bien sûr – qui m’a profondément marquée. Ce sont ces premiers souvenirs olfactifs qui m’ont donné envie de découvrir l’univers du parfum, de comprendre comment de belles odeurs pouvaient créer des émotions.

2/ A titre personnel, quelles odeurs vous font vibrer au quotidien ? Y a-t-il à l’inverse des odeurs que vous aimez moins ou pas ?

J’adore les odeurs fraîches et naturelles. Par exemple, l’odeur de l’air juste après une pluie d’été, ou celle des herbes coupées au jardin. Les agrumes aussi, comme la bergamote, me sont très chers. Je suis également une grande amatrice de fleurs, la fleur d’oranger étant ma préférée.

3/ Laquelle de vos créations a nécessité le plus d’essais ? A l’inverse, laquelle a été la plus intuitive dans l’élaboration de la formule ?

L’une de mes créations les plus longues à élaborer a été Ambre Cashmere Intense. J’ai voulu créer une fragrance complexe et raffinée, mais qui reste confortable et douce. Ce fut un véritable défi de trouver l’équilibre parfait entre la chaleur de l’ambre, la douceur du cachemire (apportée par des notes d’iris) et les notes florales qui devaient envelopper l’ensemble. Cela m’a pris beaucoup de temps pour obtenir le juste équilibre.

À l’inverse, Eau d’Été a été beaucoup plus intuitive. Dès le départ, j’avais une idée très claire en tête : une fragrance légère, estivale, qui capture la fraîcheur des agrumes et la note solaire du jasmin. Tout s’est bien aligné et la composition a évolué assez naturellement, comme une évidence.

4/ Macaron Bourbon, Saint Honoré et Pavlova célèbrent l’art de la pâtisserie. Quelle est la recette pour trouver le juste équilibre entre gourmandise et sophistication ?

C’est un exercice de finesse ! Il faut savoir doser les gourmandises pour qu’elles soient présentes sans être trop envahissantes. Par exemple, dans Macaron Bourbon, l’idée était de capturer cette douceur vanillée, mais avec un côté frais et légèrement épicé. Il fallait aussi éviter que la gourmandise devienne trop « sucrée ». J’ai donc opté pour des notes florales comme la rose, tout en la relevant avec des épices et du patchouli.

La clé est de jouer avec les contrastes : entre la douceur de la gourmandise et la profondeur des matières premières. C’est un équilibre délicat entre légèreté, richesse et raffinement.

5/ Pouvez-vous nous parler de Crème Ébène, votre nouveau parfum ?

Je me suis inspirée d’un parfum d’ambiance pour la maison, Secret de Marrakech. Pour en faire un parfum, j’ai souhaité souligner la facette veloutée et précieuse du bois d’ébène. Je voulais évoquer quelque chose de lisse, de tactile, de presque charnel, tout en restant sophistiqué et raffiné.

C’est un parfum évidemment très boisé, principalement lié à l’excellence du bois de cèdre que j’ai voulu épicer avec des notes de cardamome, de cumin ou encore de safran. Il a aussi un côté gourmand et crémeux obtenu grâce à la vanille, au santal et aux délicieuses notes de dattes Medjool.

C’est un parfum de peau très opulent mais aussi intime, comme un souffle chaud sur une peau nue.

J’espère que vous le ressentirez de cette façon lorsque vous le découvrirez !

6/ Quel regard portez-vous sur la parfumerie d’aujourd’hui ?

Je trouve que la parfumerie d’aujourd’hui est pleine de créativité, mais elle est aussi très influencée par les tendances et les attentes des consommateurs qui sont de plus en plus jeunes ! On voit émerger des marques et des parfums qui sont créés dans le seul but de plaire aux jeunes, qui ne sont souvent qu’en quête de puissance. On trouve aussi un public avide de connaissances – et même chez les jeunes ! – s’intéressant à la qualité des matières premières et cherchant surtout à se trouver une identité olfactive assumée.

J’aime ce renouveau de la parfumerie créative, qui valorise l’authenticité et la recherche. On voit également beaucoup de jeunes talents émerger, ce qui est enthousiasmant. Cependant, il y a un défi : celui de rester fidèle à soi-même tout en répondant aux attentes de la clientèle. Il ne faut pas perdre de vue que la parfumerie est avant tout un art, un moyen d’expression que chaque artiste parfumeur doit cultiver.

7/ Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune qui souhaiterait devenir parfumeur-créateur ?

Il faut d’abord de la passion car la route est longue ! Je dirais qu’il faut ensuite former sa mémoire olfactive comme un musicien fait ses gammes. Il est essentiel de développer une grande curiosité pour les matières premières et de prendre le temps de les comprendre. La parfumerie est un art complexe qui demande à la fois de la patience, de la persévérance et une certaine ouverture d’esprit. Il est aussi important pour un parfumeur de s’intéresser à toutes formes d’art car elles vous aident à développer votre propre sens critique.

Je conseille également de ne pas hésiter à apprendre les bases scientifiques, car la technique et la chimie jouent un rôle crucial dans la création d’un parfum. Enfin, il faut beaucoup expérimenter, tester, et ne jamais cesser d’explorer de nouvelles directions.

Connaissez-vous Patricia de Nicolaï ? Avez-vous déjà porté un de ses parfums ?

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2 commentaires à “Interview parfumée : Patricia de Nicolaï

  1. Daniel

    De Patricia de Nicolaï, je connais Patchouli Intense et Eau Chic, deux fragrances qui s’opposent totalement.
    La première, comme son nom l’indique, est un patchouli sans concession adouci par une touche de lavande et de géranium. Elle se distingue par son originalité, son élégance, avec une tenue et un sillage presque stratosphériques.
    La seconde, Eau Chic, est un parfum frais, floral, subtilement aromatique, et d’une grande élégance, comme son nom le suggère.
    Deux parfums que j’aime porter selon mes envies

    1. Parfumista

      Merci Daniel.
      C’est vrai qu’ils semblent aux antipodes quand vous les décrivez ! Le jour et la nuit en parfums, en somme 😉
      Bonne journée parfumée

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