Directrice de la création chez Molinard, Célia Lerouge Bénard s’est confiée à Parfumista sur cette maison de parfums plus que centenaire. Au travers de cette interview, elle nous parle un peu plus d’elle et de sa vision du parfum aujourd’hui.

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1/ Célia Lerouge-Bénard, bonjour. Vous dirigez les parfums Molinard depuis combien d’années ?
Cela fait cinq ans que je dirige les parfums Molinard. Mais je travaille chez Molinard depuis 2002, où j’ai débuté au service commercial. Cela m’a permis de mieux découvrir nos clients et bien cerner leurs attentes.

2/ Molinard existe depuis quand, d’ailleurs ?
Depuis 1849… aux prémices de l’histoire de la parfumerie française.

3/ Oui, donc plus que centenaire en effet ! Quels sont les premiers parfums créés par la marque ?
Les premières créations Molinard étaient des colognes, des eaux florales et des parfums fleuris.
L’entreprise, basée au cœur de la capitale de la parfumerie, Grasse, était auparavant connue pour ses tanneries, en plus de la distillation des fleurs. Pour resituer un peu, Grasse, c’est une ville particulière, située entre la mer et les montagnes. Le climat y est très propice. Baignée par le soleil méditerranéen et arrosée par les pluies éparses des montagnes voisines, la terre y est idéale pour cultiver des fleurs. Par la suite, les créations parfumées de Molinard sont devenues plus élaborées pour donner naissance à des parfums de caractère ou « des parfums d’ingrédients », comme Patchouli par exemple. Je dirais que les bonnes recettes sont toujours faites à partir de bons ingrédients !

4/ Les lecteurs de Parfumista connaissent sans doute principalement la marque pour Habanita. Est-ce toujours votre best-seller ? Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
Habanita reste l’un des parfums les plus vendus avec Patchouli et Cuir. Habanita est un parfum précurseur, c’est le premier oriental boisé pour femmes. Il a permis à la femme des années 20 de s’imposer. A l’origine, c’était un parfum pour cigarettes, à l’époque où les femmes commençaient à fumer. Le premier flacon avait d’ailleurs une longue tige, avec laquelle l’on pouvait étaler le parfum sur la cigarette.

5/ Vous nous apprenez des choses ! Mais pour en revenir aux notes boisées, actuellement tendance dans les parfums féminins, c’était très en avance pour l’époque ?
Oui. A l’origine, la formule d’Habanita est le résultat d’une erreur de dosage du vétiver. Avant, il n’y avait pas de vétiver dans les parfums féminins, mais le parfum n’était pas censé en contenir autant.
La rémanence d’Habanita montre que la femme a une place dans la société : elle s’affirme, s’émancipe. Avant cela, les femmes portaient des parfums fleuris voire légers, en lien avec leur position retirée.

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6/ Molinard est presque une marque de niche, non ? Y a-t-il des hommes qui portent Habanita ? Dans l’ensemble comment Molinard se positionne sur le genre des parfums ?
Oui, c’est une marque de niche. 10 % des personnes portant Habanita sont des hommes. Notamment certains hommes connus comme Philippe Starck qui l’a mentionné dans un article.
Mon souhait en tant que créatrice est de proposer des parfums originaux, ayant du caractère. De toucher des personnes averties, qui se parfument autrement.
Pour moi, un parfum se vit, il faut qu’il y ait un déclic. Et je pense également qu’un parfum doit tenir afin qu’il soit porté… et vécu.
Quant au caractère sexué des parfums, beaucoup n’en ont pas aujourd’hui ; c’est d’ailleurs souvent un critère dans la parfumerie de niche. Chacun est libre de porter un parfum qui lui plaît. A mon sens, il faut se débarrasser des codes hommes / femmes, qui n’ont plus trop de sens de nos jours.

7/ Célia Lerouge-Bénard, quel est le premier parfum que vous avez porté ?
A 7-8 ans, j’étais déjà baignée dans les matières premières. J’ai réalisé mes premières expériences de distillation dans un mortier dans mon jardin. Je créais des senteurs avec ce que je trouvais, notamment des pétales de rose. Ah, j’étais très fière ! J’ai aussi porté Vanille de Molinard, ça faisait grand. Un parfum qui existe toujours aujourd’hui.

8/ Quel(s) parfum(s) d’un autre créateur auriez-vous aimé créer ? Pourquoi ?
Oud Wood de Tom Ford. Ce parfum a des points communs avec ma vision de la création. J’aime sa tenue, son ambiguïté. C’est un parfum puissant, suave, olfactivement masculin et féminin. Il réveille un instinct animal.

Oud Wood (Tom Ford)

9/ Vous avez beaucoup modernisé la marque ces dernières années, avec différentes collections, des parfums plus rares ou plus haut de gamme. Comment réagit le public, quels sont les parfums ou les collections qui rencontrent le plus de succès ?
Le changement a perturbé certaines personnes, ce qui est assez fréquent en France. Einstein disait d’ailleurs, « Tout le monde veut que ça change… mais personne ne veut changer ». Cependant j’ai été suivie et l’on m’a fait confiance. Concernant nos clients, il y a eu quelques surprises de la part des consommateurs fidèles, au début. Ensuite, ils ont bien accueilli le changement parce qu’ils l’ont compris. Je souhaite faire découvrir de nouvelles choses aux consommateurs.

10/ Pour le parfum ‘Cuir’, vous vous êtes investie jusqu’à poser nue. Comment est-née l’idée ? Comment ont réagi les points de vente, la presse, la blogosphère ?
Un parfum, c’est une mise à nu. J’ai été surprise par certaines personnes qui portaient Habanita. On imagine une femme fatale brune, avec beaucoup de présence. Et puis j’ai rencontré une jeune fille blonde de 19 ans qui portait Habanita. Cette jeune fille a quelque chose en plus que l’on ne voit pas forcément à première vue. C’est là que le parfum entre en jeu et révèle un trait de caractère imperceptible au premier coup d’œil. Pour Cuir, c’est une des quatre propositions que m’a faite l’agence de communication. J’ai aimé ce challenge, car il traduit bien la mise à nu. Cela me permet aussi de prendre la parole en tant que femme. J’ai aimé l’idée de m’investir dans la création jusqu’à prêter mon image pour la communication.

11/ Justement, est-ce difficile d’être une femme dans un milieu créatif où la plupart des grands couturiers, des grands chefs cuisiniers, des parfumeurs ou des dirigeants sont des hommes ?
Je ne le vis pas comme ça. Au contraire, c’est un avantage, j’apporte quelque chose de différent, une certaine sensibilité notamment. On crée à l’image de ce que l’on est. Par ailleurs, la position de la femme a évolué et lorsque vous utilisez un langage passionné, sincère et vrai, on vous écoute ! La femme a d’ailleurs beaucoup à apporter pour créer la différence.

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Figue et Habanita La Cologne (nouveautés 2016), à droite : Vanille

12/ Quelles personnalités du monde du parfum et de la mode vous inspirent ?
Il n’y a pas une personne en particulier. Les expériences qui m’inspirent sont multiples. Dernièrement lors de mon voyage au Sri Lanka, j’ai découvert d’autres senteurs et des gens divers et variés. Chaque personne rencontrée m’apporte une inspiration, peu importe son milieu ou son secteur d’activité. La mode ne m’inspire pas tant que ça.

13/ Célia Lerouge-Bénard, quel est votre luxe à vous ?
Faire un travail que j’aime et communiquer ma passion. Il n’y a pas un jour où je n’ai pas envie d’aller travailler. En fait, je n’ai pas l’impression de travailler car j’adore ce que je fais.

Et vous, quelles notes aimeriez-vous retrouver dans une prochaine création Molinard ? 

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21 commentaires à “Interview parfumée : Célia Lerouge-Bénard, de Molinard

  1. Laure

    Bonjour et merci pour cette interview de Célia Lerouge-Bénard.

    La Maison Molinard offre de nombreuses senteurs, alors pourquoi ne pas faire le lien avec l’article précédent et proposer une note de thé ?

    Merci pour ce concours auquel je participe avec grand plaisir.

    Belle journée !

  2. bibiche64

    je ne connais pas encore ce Cuir mais je connais bien Vanille, douce odeur de gateau sortant du four et Habanita, si spécial, très beau mais il n’est pas facile à porter, il faut beaucoup de caractère pour le porter

  3. Ilan

    J’aime beaucoup cette maison mais qui n’est pas suffisamment distribuée à mon sens, ce qui ne permet pas de découvrir tout ce que l’on souhaiterait. J’aimerais beaucoup essayer Cuir et Habanita La Cologne, car j’adore la version eau de toilette qui est un de mes premiers parfums.
    J’aimerais bien sentir dans cette maison une belle tubéreuse.
    Bonne soirée:)

  4. Elokitty

    Toute l’histoire d’Habanita !
    Il paraît que sa formulation a beaucoup évolué au fil du temps ?
    J’adorerais découvrir Cuir, Vanille et la Cologne.
    Je trouve également qu’ils sont vraiment trop peu vendu.

  5. Sarra chb

    Bonjour,
    Le catalogue 2016 est tellement riche, que seule la maison Molinard aura le secret des prochaines notes pour une addiction assurée.
    Cuir a eu beaucoup de publicité ces derniers mois et, je pense, aura du succès.
    Bonne journée,
    Sarra

  6. MAADED

    Je connais la marque mais pas leur parfums étant donné qu’ils proviennent de Grasse. La composition doit-être bien définie. J’aimerais bien découvrir cette sélection parfumée. Merci Parfumista

  7. nymphee

    Hello,
    Je connais peu Molinard.
    J’ai déjà vu Cuir un peu partout. Mon préféré est Vanille, qui me fait craquer par ses effluves divines.
    Merci

  8. Solance

    Merci pour cette interview passionnante.
    Habanita est un beau parfum audacieux et j’aimerais bien découvrir le Cuir de cette maison dont on lit beaucoup de bien 😉

  9. cazayous sandrine

    Bonjour! Ce parfum « Cuir » a l’air bien tentant! J’ai porté « Nirmala » il y a quelques années et j’aimerais bien sentir un nouveau parfum avec une note de lavande. Bonne journée à vous tous!

  10. garnier

    Bonjour,
    Une marque à découvrir, cela vaut le coup de nez !
    J’étais à Grasse en avril et j’ai passé des heures dans leur musée/boutique à m’enivrer de toutes leurs créations, quelles senteurs, quel bonheur… Je rêve d’y retourner le plus vite possible afin de m’immerger de nouveau dans l’atmosphère si particulière de cette ville !
    J’ai beaucoup aimé Figue, doux, subtil et enivrant ; Patchouli intense qui me fait voyager tellement loin, mais aussi la collection particulière Ambré lumière, Aqua lotus, Secret sucré… pour laquelle j’aurais aimer avoir des échantillons.
    Après lecture de cet article, je me laisserais aussi volontiers tenter par Cuir.
    Je vous le dis, on ne sait que choisir !
    Bonne journée parfumée.
    Sylvie

  11. zab

    Habanita La Cologne est vraiment très, très réussie et rappelle l’eau de toilette.
    Les notes de mimosa et de cassie me tentent bien…

  12. Coromandel

    Merci pour cet article. J’ai pu découvrir Molinard lors d’un séjour à Grasse, quelle belle découverte !
    Je suis fidèle à Habanita en automne/hiver, j’aime beaucoup Jasmin l’été. Peut-être devrais-je essayer Habanita eau de cologne quand la température monte ? J’avoue être tentée 🙂
    Pour répondre à la question, j’aimerais beaucoup trouver la note « encens » dans une prochaine création. Un encens chaud oriental m’enchanterait !

  13. Isabelle

    Bonjour, et merci pour cette interview qui permet de mieux connaître la marque Molinard.
    Je connais Cuir, que je porte parfois, et j’ai découvert récemment une très belle tubéreuse : Tubéreuse vertigineuse.
    Je verrais bien la gamme complétée par un parfum aux zestes d’agrumes, un peu confits, sur un joli fond boisé…

  14. 100drine

    Alors moi, en ce moment, j’adore les parfums marins qui évoquent les embruns, le vent dans les dunes etc.
    Donc pourquoi pas cette note chez Molinard?
    Merci pour ce beau concours.

  15. Nicole Jacquot

    Bonjour, je suis très heureuse de participer à ce beau concours et je vous en remercie !!
    J’aimerais trouver du cuir et de la tubéreuse chez Molinard.
    Je vous souhaite de passer une super journée.
    PS : J’ai liké et partagé en public.

  16. Bourret

    Bonjour, merci pour ce très bel article et ce concours.
    L’été est bien là et j’adore cette saison. Alors pourquoi ne pas retrouver une nouvelle note qui nous raconte la mer?
    Un parfum iodé. L’odeur des pins, de la chaleur sur le sable, avec 1 touche de crème solaire…
    Bonne journée et salutations parfumées.

  17. Dominique

    Molinard…
    J’ai connu la boutique lilloise et l’eau de toilette Habanita, mais sa tête était trop radicale pour moi. Ou je n’ai pas su persévérer.
    Ensuite, j’ai succombé à l’eau de parfum dès 2013 au point d’être reconnaissable au bureau et souvent complimenté. C’est un parfum évolutif, changeant, qui se révèle différemment en fonction des occasions et des saisons.
    Ensuite, cet hiver, il y a eu Cuir, sur un coup de poker, acheté à l’aveugle et adopté avec plaisir.
    Comme la dernière venue, Habanita la Cologne, qui m’enchante lors des journées chaudes: autre chemin pour arriver aux délices baumés de sa grande soeur.
    Mon souhait pour l’avenir? Une boutique parisienne, écrin pour toutes les senteurs de la marque.

    1. Dominique

      Un petit oubli:
      Chapeau bas pour le visuel de Cuir/Jouir…
      Comme quoi, loin des égéries, une « petite marque » s’affirme, se réinvente… J’ai même étonner une vendeuse un peu trop sûre d’elle, au BHV, en lui présentant Cuir tout droit sorti de mon sac lors d’une recherche infructueuse d’un point de vente sur Paris.

    2. Parfumista

      Bonjour Dominique,
      Merci de votre message.
      Une boutique Molinard à Paris, quelle bonne idée.
      Bonne journée parfumée et à bientôt sur Parfumista!

      1. Dominique

        Il ne faudrait pas plus qu’une bonbonnière mauve et cuivre pour avoir sous la main toute la gamme…
        Mais c’est faire un peu la projection de ma propre gourmandise. Comme lorsque je rêve d’un grand extrait d’Habanita ou un grand flacon « splash » pour les fêtes…
        Madame Lerouge Bénard et moi sommes de la même génération et j’aime la façon dont elle (ré)incarne sa marque, avec laquelle j’envisage de faire encore un long parcours de vie.
        En tout cas, Habanita EDP, sa Cologne et Cuir sont des créations « 2016 » qui répondent aux exigences de Bruxelles et de l’IFRA et elles viennent remplacer de façon très convaincante les créations plus anciennes, défigurées à force de restrictions, auxquelles j’étais fidèle.
        En cela, Molinard est vraiment et un Patrimoine et une marque Vivante!

  18. Coromandel

    Merci beaucoup pour cette sélection de parfums Molinard, que j’ai eu le plaisir de découvrir ce matin !
    Je suis ravie de ces découvertes que je vais m’empresser de porter ces prochains jours : )

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